Elevages d'Audouville et de Saint Martin

JUVELIZE, le courage et la force, BOURREE ........

Bourrée, la célèbre poulinière des Chenu et Gnomide, mère d’Udanum, Vondéen, et tous les « Saint-Martin » ont un point commun, elles sont cousines germaines, avec une même grand-mère : Juvelize.

ARTICLE mis en ligne avec l'aimable autorisation de M. Emmanuel JEANGIRARD, Rédacteur en chef adjoint de l'EPERON, et de son auteur.

Bourrée, la célèbre poulinière des Chenu et Gnomide, mère d’Udanum, Vondéen, et tous les « Saint-Martin » ont un point commun, elles sont cousines germaines, avec une même grand-mère : Juvelize.

Juvelize était la propriété de Jean Lemarinier, établi à Reigneville-Bocage. Il la tenait de son père Pierre Lemarinier, qui avait fait naître sa mère Astrale (1944), sa grand-mère Olivine (1936), et son arrière grand-mère Koupole (1932) dont il avait acheté la mère, une Postier breton ! Vox, le père de Koupole, était un petit-fils de Mouton Duvernet (tf), grand pourvoyeur des équipes internationales de saut d’obstacles d’avant-guerre. Vox, petit alezan, a laissé beaucoup de filles très courageuses au travail. Olivine, première fille de Koupole, alezane comme sa mère, toisant environ 1,58 m . J’Arrive, père d’Olivine, était un « bai marron miroité » d’1,61 m, chic. Son origine était prestigieuse : Viens-Tu, son père, faisait frémir de bonheur le commandant Brousset, sélectionneur des chevaux de l’équipe internationale avant-guerre. Viens-Tu avait produit Josa, gagnant du Grand Prix de Rome ; Saute Ruisseau, Grand Prix de Spa ; Nudiste, père de grands gagnants, etc. Et Gambaiseuil (ps) père de Viens-Tu était aussi un des meilleurs pères de gagnants dans les années 1910-1920 (Centaure, autre fils de Gambaiseuil, est apparu dans notre étude sur Brindille – L’EPERON juillet 2000).Les Lemarinier vendaient les poulains au sevrage sans savoir ce qu’ils devenaient par la suite, mais sélectionnèrent Astrale, fille d’Olivine, à cause des qualités au travail d’Olivine et parce qu’elle leur plaisait bien : sélection ! Type poulinière normande, alezane d’1,60 m, éclatée, avec du genou, du jarret et du garrot derrière une tête droite éclairée d’une étoile.

Lancier, père d’Astrale, était un important alezan charbonné d’1,61 m, qui fut tué dans la station de Saint-Sauveur avec tous les autres étalons pendant les bombardements de juin 1944.Après trois poulains, Astrale produira en 1952 avec Mimosa Iodiane, Elite obstacle. L’année suivante, Astrale, pleine de Mimosa, poulinait pour la dernière fois : Juvelize voyait le jour. Mimosa, alezan rubican fortement charbonné d’1,61 m avec une liste et trois balzanes, avait comme père putatif Lord Frey, Pur-sang bai voisin de box de Royal Chesnut, alezan qui fut souvent qualifié de coucou y compris par l’Administration : en clair, Royal Chesnut aurait en fait suppléé aux œuvres de Lord Frey pour la réalisation de Mimosa. La mère de Mimosa, Divette, par l’excellent Trouville (demi-frère de Vas Y Donc), lui a certainement légué la qualité qu’il a transmise.Mimosa était un cheval dans le « sang avec de l’expression, de la profondeur, un corps étendu et bien relié, de l’ouverture devant, des muscles sur les avant-bras et dans le bas des cuisses, des jarrets presque en place ; un étalon de type selle aux allures faciles… et il produit très bien » (archives de Saint-Lô). Mimosa fut souvent bien classé en pères de mères et eu comme produit Krichna que Jean Brohier emmena en Coupe des nations Juvelize quant à elle était une belle alezane d’1,62 m, plus dans le sang que sa mère, avec des allures plus allongées, plus de caractère aussi . Laissée avec la ferme à Jean Lemarinier, Juvelize donna d’abord Oleine (Gordium), vendue à Homère Legoupil. Après le bon gagnant Upas (Xillor, ps), ISO 144/79, Oleine donna le finaliste des 5 ans Domino XIV, ISO 121/74, avec Quastor, et enfin Gnomide avec le même. S’il est de bon ton actuellement de critiquer ce Quastor, il faut rappeler qu’il a produit beaucoup de bons gagnants qui avaient tous beaucoup de force, de très belles trajectoires avec le corps articulé sur leur courbe ; on leur a reproché de manquer un peu de sang, d’équilibre et parfois de moral. Très bien né (Ibrahim et La Citadelle par Jus de Pomme – un des meilleurs pères de gagnants de l’après-guerre, donnant notamment Délicieuse, CSI puis grand-mère de Jalisco B – et Girondine – mère d’Almé avec Ibrahim – par Ultimate, ps), Quastor était en outre propre-frère de Silvana B, une des meilleures juments de sa génération. Il fut 11 fois dans les 15 premiers pères de gagnants en saut d’obstacles entre 1974 et 1986,

Gnomide, quant à elle, était un immense moule à poulains d’1,75 m, très heurté, à l’épaule droite, mais avec un bon dessus, un vrai moteur arrière, des articulations solides, une belle physionomie, de l’énergie, de la force et… une vraie personnalité. Ses allures étaient souples et franchement étendues. Quinquette III (Quinquet, ps) 22e des 4 ans, ISO 121 puis exportée en Suisse, fut sa première bonne pouliche. Rafalita II (Pot d’Or, ps) resta au haras des Legoupil où elle est toujours, avec comme production : Belle de St Martin (Quito de Baussy), bonne 6 ans (ISO 140) et poulinière ; Duc de St Martin (Mont Blanc), champion du monde des 7 ans à Lanaken avec Olivier Guillon, ISO 168 ; Erquy de St Martin (Rox de la Touche), 6e du championnat des 5 ans (ISO 145) et 10e du Championnat du monde des 5 ans. Puis Rafalita, jument très sport mais épaisse d’1,65 m, très Pot d’Or, eut quelques poulains morts ou trop jeunes pour sortir.Après Rafalita, Gnomide donna son propre-frère Sucre d’Or (ISO 141), et gagnant en CSI pour l’Allemagne, puis le bon Udanum (ISO 153).Enfin vint Vondéen (ISO 189)… à propos duquel Jean-Marc Nicolas ne tarit pas d’éloges : aussi bon que Souviens Toi III ! Impressionnant au box (près d’1,80 m) mais un peu timide, très respectueux et volontaire, utilisant parfaitement une excellente technique, une force immense, des allures amples, un bon équilibre et suffisamment de sang ! Retiré des compétitions, Vondéen fait la monte chez Michel Ruel qui ne semble pas du tout mécontent de ses résultats.As de St Martin également par Le Condéen fait envie à bien des professionnels et leur sœur Caty pouline où elle est née. Le dernier produit en compétition de Gnomide, Gipsy de St Martin vient de gagner le Critérium des 6 ans en 2000 et des experts le pensent meilleur que Vondéen !

En 1963, Trompette, fille de Khereddine et de Juvelize, voyait le jour. Khereddine très grand cheval pour l’époque (1,70 m), ne manquait pas de caractère. Trompette, 1,64 m, portait bien son nom : alezan doré, pétillante, plus de sang que sa mère Juvelize, elle était harmonieuse. En 15 ans, elle mit au monde 13 poulains, les 5 premiers par l’Anglo-arabe Nickel. Bourrée naquit en 1967 et fut 2e des 3 ans à Fontainebleau derrière la magnifique Brocéliande (Furioso, ps). C’était donc une très belle alezane d’1,64 m, articulée très bas, la tête très légèrement busquée mais avec beaucoup d’expression, profonde, membrée, l’épaule et la hanche très inclinée avec une magnifique culotte (cuisse très descendue et plus large que les hanches). Elle fit d’abord un très bon poulain avec le mauvais Quirinal : Forentem, 13e des 4 ans avec André Chenu puis vendu à un amateur. Bourrée tourna à cinq, six et sept ans avec son propriétaire (ISO 119/73), persuadant de nombreux cavaliers qu’elle avait plus de possibilités que sa petite sœur Caspienne, meilleure 6 ans de sa génération… Confiée aux bons soins de Fair Play III, Bourrée eut Keep Me, 18e des 4 ans et très bonne 5 ans (ISO 127), rachetée par les Chenu pour la mettre à l’élevage. Sa fille Emblème du Plessis (Rosire), finaliste à cinq ans, ISO 129/97, est déjà la mère de Iquem du Plessis (Vancouver), 12 sans-faute à quatre ans dont 2 à Fontainebleau, qui est très facile et montre de gros moyens. La propre-sœur de Keep Me n’est autre que la célèbre Narcotique, ISO 177/91, CSIO, « exploitée » par transfert d’embryons et mère de jeunes entiers très bien sortis. André Chenu ayant de grosses satisfactions avec son Kroutchev des Bois conseilla ensuite Corrent (Tripoli et Sale Gamine par Mexico) à l’ami Robillard pour Bourrée, qui fut rachetée par Annick Roussel, future Chenu. Le fameux P’tit Pol d’Annick (né de cette union de Corrent et Bourrée) pourrait encore tourner à vingt ans : il n’a jamais boité et a encore l’action d’un cheval de concours avec son 1 950 000 F de gains, sans compter les voitures et cadeaux divers !

Tous les produits de Bourrée qui ont eu la chance d’être très bien sortis sont des guerriers. Ils ont gardé ce courage de leurs ancêtres, leur énergie et un grand respect des barres indispensable à notre époque. Sa petite sœur, Caspienne (Nickel), ISO 148/74, était également très intelligente, très chaude mais contrôlable et respectueuse. Elle permit à Alain Hinard de battre deux fois Nelson Pessoa et Pass Op à Poitiers. Sa réussite au haras est moins éclatante que celle de Bourrée mais Orchidée d’Auvers (Fair Play III), ISO 135/87, Quinney d’Auvers (Galoubet A), ISO 133/92, et Upton d’Auvers (Narcos II), ISO 133/93, n’ont pas à faire rougir leur éleveur, Simone Debacker, et les petits suivent !Nickel mort, Jean Lemarinier eut recourt pour Trompette à Arabel (Bel Avenir, propre-frère de Venise de Brion) qui lui donna le très bon Irabel, 8e du Critérium des 6 ans puis exporté. Dans la descendance de sa sœur, Juvelize des Cours qui resta à la ferme, on note Dame de Guinfard (Socrate de Chivré), ISO 138/97, et Betty des Monts (Jasmin), ISO 144/97.

Nous avons survolé l’histoire d’une famille « présélectionnée » à la production des chevaux d’obstacles. Partis d’une jument un peu roturière mais qualiteuse, Pierre puis Jean Lemarinier se sont surtout attachés à garder des juments courageuses, fortes et énergiques pour pouvoir utiliser de « bonnes alezanes avec étoile en tête et balzanes » (robes qu’ils aimaient). Ces juments améliorées dans le sang par les meilleurs étalons de Saint-Sauveur (qui avaient aussi les meilleures origines !) ont pu s’épanouir chez les passionnés et compétents Homère et Marie-Jeanne Legoupil, Annick et André Chenu.

D'après une étude de Jean Delannoy parue dans le n°204 de l'Eperon
 

Article mis en ligne le 09/05/2014.



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